Le plus gros bouquet de fleurs du monde

Il y a peu de mots pour décrire dans quel état d’esprit je me trouve en écrivant ces lignes. 

 

Reconnaissance. Gratitude. Merci.

 

Voilà qui résume sommairement ce prix décerné par La Capitale comme personnalité des services publics catégorie éducation. 

 

J’aurais aimé dire que l’on accepte un prix en éducation comme on reçoit des fleurs, mais c'est plus que ça. Ça vient avec une réflexion sur l’éducation. C'est dans ma nature de me questionner, d’examiner toutes les dimensions d’un événement. C’est là que vous avez le droit de penser que je suis un  être « compliqué ». Ce n’est pas faux. Ajoutez à ça que je vis les choses intensément, avec passion, le bon comme le mauvais… Hé oui….

 

Lorsque l’on m’a appelé à l’école pour m’annoncer la nouvelle, j’ai cru un instant à un canular. C'est lorsque l’on a nommé le nom d’un parent de ma classe que j’ai compris que je parlais à quelqu’un de crédible. Et c’est là que je me suis mise à pleurer. De même. Dans le corridor. Je n’ai pas porté attention au montant d’argent que je venais de gagner. Rien ne valait plus cher que cette reconnaissance qui venait d’émerger de mon milieu. Le nom de la maman résonnait encore dans ma tête. Un parent avait pris la peine de remplir une demande de candidature de plusieurs pages pour parler des valeurs de notre classe, des projets, des approches. Un parent avait réussi à cerner mes intentions pédagogiques et à détailler les critères de mise en candidature: la primauté de la personne, l’engagement, le dévouement, l’initiative et les retombées humaines. Dans cette candidature, il y avait tout ce que je suis comme enseignante, toute ce que je suis comme personne. Ça valait plus qu’un chèque. Un bouquet de fleurs immense.

 

 

 

Une reconnaissance collective ou des fleurs à partager

 

Une semaine à recevoir des félicitations sur les réseaux, par courriel, sur la cour d’école, à la garderie de mes enfants. Mes directrices, le président de la commission scolaire et même Sébastien Proulx, le ministre de l’éducation m’écrivent pour me féliciter… Et là, un petit quelque chose s’installe. Comme si j’étais un imposteur. Et si j’avais simplement attraper le bouquet de la mariée? Un doux hasard… Le doute fait partie de moi, vous l’aurez deviné.

 

J’ai eu besoin de le dire. J’ai maintenant besoin de l’écrire. Beaucoup d’enseignants mériteraient ce prix. J’apprends à assumer que celui-ci me revient. Après des années moins fleuries, je me dois de l’accepter. Pour la jeune enseignante qui a voulu quitter un jour, retourner aux études, partir en voyage ou vendre des souliers. Je ne savais plus où j’en étais. Avant de me trouver professionnellement et de faire un volte-face pédagogique, de courir dans les vents contraires, d’aller à la rencontre de la délinquance créative, de la communauté et des réels besoins des enfants. 

 

Pour moi ce prix représente une récompense collective pour l’éducation. Puisque je ne serais pas cette enseignante sans les autres, mes pairs, mes mentors, mes collègues, mes stagiaires, mes enseignants, mes amis, mes élèves, mon réseau, ma tribu, mes filles… Mes parents aussi. Mon père, l’artiste. Ma mère, l’humaniste. J’ai pris le meilleur des deux, je pense bien. Je ne l’ai jamais dit à mes parents, mais je leur ai réservé une place sur le babillard des inspirations dans ma classe. Quand mes élèves me demandent qui sont toutes ces personnes, je leur réponds qu’ils sont l’école; mes parents, les parents engagés de mes élèves, les grands-parents généreux. Vous êtes l’école. Vous faites fleurir les intérêts des enfants, vous m’aidez à éclairer leur voie. Sans vous, je n’y arriverais pas. Vous êtes l’école sociale, lumineuse et colorée comme je l’ai toujours rêvée. 

 

Alors, si vous lisez ces lignes, soyez convaincu que je partage avec vous les fleurs de ce bouquet. Recevez une fleur en signe de gratitude pour votre inspiration, votre générosité, votre écoute, votre engagement pour l’éducation. Pour tout ce que vous m’apporter et que je n’ai pas osé vous dire. 

 

 

 

Une responsabilité ou le pot de fleurs

 

Une reconnaissance de cette envergure me remplie de joie, mais m’angoisse tout autant. Je devrai être à la hauteur de cette confiance accordée. Toujours. 

 

Même si je sais qu’il y aura des jours plus brouillons…

 

C'est probablement l’enfant qui voulait être parfait en moi qui s’exprime. 

 

Je lui parle tout doucement à l’oreille comme je le dis à mes élèves: "Tu n’as pas à être parfait. C’est parfait que tu ne le sois pas d’ailleurs."

 

Alors, je continuerai à faire de mon mieux. Mais à parfois oublier, rêver trop fort, procrastiner sur mes corrections et soupirer sur les manques de services aux élèves.

 

Je ferai assurément des erreurs. Mais je tenterai de me reprendre. Je m’excuserai et je recommencerai. C’est ce que je peux faire de mieux. Montrer que j’apprends encore et toujours. 

 

 

 

À toi le prof qui pense que l’on t’a oublié ou la livraison retardée du fleuriste

 

L’intention de ce billet n’est absolument de me relancer des fleurs. J'en ai plein les cheveux, je nage dans les pétales et effluves parfumées des relents de ce bouquet. J’ai plutôt pensé aux années difficiles en enseignement.  Un épuisement en début de carrière pour moi. Et une année à me remettre en question. Me croirez-vous si je vous dis que c'était il y a à peine deux ans. J’avais écrit un texte libérateur ici

 

Pour ces années difficiles, celles passées et celles à venir, qui sait. Pour tous mes collègues qui ne reçoivent pas de rétroactions, qui se sentent désemparées, je leur donne une fleur. La fleur du courage, de la persévérance, la fleur de la solidarité. 

 

Croyez-moi, on peut refleurir après avoir été piétinée. Et on revient plus fort. Plus vrai aussi. Meilleur assurément. 

 

 

 

Partage, inspire, transforme ou lance les graines dans le vent du changement 

 

Mercredi prochain,  je retournai à Université Laval. Je rencontrerai les étudiants du BÉPEP pour une 3e fois. Je lancerai les graines dans le terreau fertile. Et je leur dirai de souffler ensemble sur le vent du changement. Pour que des prix de cette nature pour l’éducation se multiplient et envahissent l’air pédagogique comme du pollen. Pour étouffer les mauvaises herbes qui paralysent. Pour faire renaitre les pousses qui, à leur tour, fleuriront pour en faire le plus gros bouquet de fleurs du monde.

 

 

Des fleurs pour vous!

 

Merci à Elena, la maman qui a rassemblé toutes les fleurs du bouquet, qui a formulé un hommage à l'éducation, la vraie, la lumineuse. Celle qui fait que l’on progresse collectivement. Je t’en serai éternellement reconnaissante. 

 

Merci à Goran et Thomas pour ce magnifique montage. Thomas, tu as su mettre en lumière l’essence même de la classe. Du travail d’orfèvre après deux heures de tournage à parler différenciation, littératie, numératie,  projets collaboratifs, pédagogie sociale et bien plus. Je salue ton talent, ton écoute, ta sensibilité. Merci mille fois!  

 

 

Bravo aux lauréats inspirants que j’ai rencontrés. La portée sociale de vos réalisations me touche profondément. 

 

"Rien de grand ne s’est fait sans passion." (Hegel). Tiré du site @magirard

 



Le babillard des inspirations parce que ça prend tout un village pour élever un enfant. 

Avec ma mère, l'infirmière humaniste et mon père, le photographe artiste ainsi que tous les parents qui font l'école avec moi.