Il y a 4 ans, la tradition des clips de fin d’année est née dans ma classe. Et je peux dire que c’est grâce aux gars cette année-là. 16 gars et 8 filles! Toute l’année à voter et à finir avec le choix de la majorité: les gars! Pour moi, ça ne changeait rien, mais pour les filles de la classe, ça ne leur a pas laissé beaucoup de place et de choix. J’ai donc voulu leur faire plaisir. Les laisser avoir complètement le contrôle l’instant d’un après-midi. Et comment faire plaisir à 8 filles? Faire un clip dans lequel elles seraient des reines! Ça tombait vraiment bien. Amylie venait de sortir la chanson « Les filles ». Festif, coloré, rassembleur. Parfait pour s’inventer un scénario! Je me suis alors rendue à l’école une journée de congé pour « emprunter » les filles seulement et jouer dans la cour avec des draps, des confettis, des suçons et un trépied. Un moment exclusif avec les filles pour rire et inventer ensemble qui a fait quelques jaloux, j’en conviens. Mais les gars n’ont pas été en reste, ils ont eu leur moment de gloire à la fin du clip. Un beau moment qui restera tatoué sur mon coeur. Ça fait déjà 4 ans de cela. Ce groupe s’apprête à quitter pour le secondaire. Ils nous aurons légué une tradition qui se révélera être l’ADN de notre classe en juin.
L’année d’après, c’est avec tous les élèves que nous avons créer le clip sur la chanson « Comme des enfants en cavale » de Alexandre Poulin. Un clip en noir et blanc poétique, porteur d’un message d’espoir, centré sur les rêves. À l’image de mes élèves de cette année-là. Parce que le critère numéro un du choix d’une chanson, c’est qu’elle nous ressemble et qu’elle nous rassemble. Les élèves ont participé au scénario et ont incarné des personnages. Le résultat m'avait moi-même impressionnée!
L’année suivante, nous avons choisi « Les colorées » de Alex Nevsky pour célébrer la diversité, l’énergie et le bonheur de faire autrement. Un clip qui s’est fait dans la simplicité. Une caméra sur un trépied et l’ordre indéfectible de s’amuser librement dans la cour d’école tout un après-midi. Pour être honnête, cette fin d’année a été plutôt difficile pour moi. Je me refaisais des forces et j’ai opté pour le scénario libre et le peu de montage. Je me suis amusée avec un peu de stop motion. J’aurais très bien pu le vivre avec toute la classe. Cela aurait été une belle expérience pédagogique. Mais j’ai fait des choix. La simplicité! Et c’est un clip magnifique finalement qui en a émergé. Un clip porteur de sens pour moi aussi.
L’an dernier, comme les élèves étaient très engagés dans notre projet Les petits Boulangers, nous avons trouvé la chanson parfaite pour incarner nos valeurs. « C’est combien? » de Fred Pellerin s’est imposée d’elle-même. Toute l’année nous avions parlé de générosité, de temps, de créations faits mains et qui ont un réel impact sur notre communauté. Alors nous sommes sortis de l’école et nous avons rencontré des gens sur le petit chemin dans le Campanile. Des personnes âgées pour la plupart. L’occasion parfaite pour travailler le savoir-être. Saluer, regarder dans les yeux, laisser passer, s’ajuster aux gens. Et donner. Donner du pain et répondre à la sempiternelle question « Ça coûte combien? ». Un réflexe de notre société de consommation. L’occasion parfaite aussi pour porter un regard citoyen sur le don à la communauté. Un clip chaleureux, généreux et réconfortant comme un bon pain.
Et cette année. Oh là là. J’ai eu du mal avant de trouver une chanson porteuse. Mais j’avais des images en tête. Inspirée par mes élèves qui avaient tant appris en collaboration, appris à bâtir avec leurs pairs (les garçons étaient fou de joie que je les laisse jouer avec des marteaux et des bouts de bois dans la classe), à résoudre des problèmes, j’ai eu l’idée d’aller de faire une cabane dans le bois. Alors la chanson est venue à moi un soir. Pourquoi ne pas reprendre une chanson de Amylie. « La hauteur » était une chanson parfaite pour incarner la co-construction, le droit à l’erreur et le plaisir! Et du plaisir nous en avons eu. Je les ai laissé se surprendre et je les ai laissé me surprendre. J’ai été émue de voir qu’ils étaient capables de s’occuper pendant 2 heures de temps dans le boisée. Savoir profiter de son environnement, celui qui est tout près de nous et que l’on exploite trop peu. C’est important. Prendre le temps de se connecter à la nature, d’observer, de ne rien faire, de s’écarter du groupe ou de se rapprocher, ça aussi c’est essentiel. Et avoir du plaisir à créer ensemble. Une dame s’est d’ailleursarrêtée pour nous dire qu’elle aurait aimé faire ça dans son temps. Et ça ne veut pas dire que tout sera parfait. J’ai dû intervenir quelques fois pour guider le travail d'équipe. Mais c’est ça l’école. Être en apprentissage dans différents cadres. Et ce sont les expériences riches, parfois hors des sentiers battus qui sont les plus formatrices.
Alors ce clip comme tous les précédents, je les porte dans mon coeur parce qu’ils sont l’identité de mes groupes, de ce que nous avons appris, bâti, façonné ensemble. Toutes nos valeurs communes de classe s’y trouvent. C'est riche, c'est personnel. Ça crée un fort sentiment d’appartenance. Et moi, ça m’aide à boucler la boucle sur du positif.
Et mes petits cocos repartent la dernière journée non pas avec un cadeau acheté et emballé, mais avec un symbole, comme un totem de notre année, un film de la mémoire qui tourne, pour se rappeler toujours comme c'est bon d’être ensemble et d’apprécier ce qui ne s’achète pas.